Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Lotus
9 février 2011

Hommage à Edouard Glissant : Toute la mémoire du monde

Glissant_livre

Edouard Glissant - La Terre, le feu l’eau et les vents. Une anthologie de la poésie du tout-monde.

Mort le 3 février à Paris, le poète Edouard Glissant avait notamment publié, en 2010, La Terre, le feu, l'eau et les vents (Galaade éditions), une anthologie de poèmes choisis en forme de biographie qui n'avait pu être recensée dans nos colonnes. Compte rendu en forme d'hommage au poète de la créolité."

Face aux crispations identitaires et à la colonisation de l'imaginaire, la poésie est un recours, une boussole, un repère. Selon l'écrivain, poète et essayiste Edouard Glissant, toute vie humaine articule en effet le "prosaïque", à savoir le manger et le boire, au "poétique", c'est-à-dire l'accomplissement de soi auquel conduisent l'amour, la poésie, la philosophie, la danse ou la musique.

Face à la toute-puissance de l'économique, qui réduit l'existence à la survie et ne cesse de fabriquer des vies à crédit, Edouard Glissant avait signé, avec le romancier Patrick Chamoiseau, un plaidoyer pour d'autres denrées (Manifeste pour les produits de haute nécessité, Galaade éditions, 2009). Car à côté des produits de première nécessité, comme l'eau ou le blé, les deux compères proposaient de défendre ces "produits de haute nécessité" que sont la lecture, le travail créateur, la spiritualité ou la pensée.

Principe de gratuité pour les biens culturels, arraisonnement de la grande distribution par le truchement d'une autogestion alimentaire assainie : leur manifeste était porté par le souffle des révoltés. La Terre, le feu, l'eau et les vents, anthologie de poésies, qui semble avoir mis le philosophe Gilles Deleuze et le poète et politicien Aimé Césaire dans un shaker, est un bel appel d'air.

Composé comme une exposition imaginaire, l'originalité de ce recueil consiste à n'avoir pas cherché à distinguer les poètes de métier des contes et épopées des peuples oubliés ou bien encore d'avoir mis sur le même plan poésie et philosophie. Socrate y côtoie en effet Ibn Arabi, la rhétorique de la perfection voisine avec les scories de la scansion, le génie de l'oralité renvoie à la puissance de la chanson, et Martin Luther King partage sa page avec Georges Brassens.

Edouard Glissant a voulu prendre des morceaux de poèmes, comme des bouts d'écorces, des morceaux de roche qui s'entrechoquent. Son but est de faire sentir dans un patchwork lyrique géant ce qu'est, selon lui, la "poétique de la relation" capable de relier les continents, les cultures et les nations. En convoquant ses pairs illustres ou méconnus, il a voulu approcher les "glaciers brûlants" et la force des éléments, c'est-à-dire l'eau, la terre, le feu et les vents. Embrasser la totalité de l'univers sans recours à une raison totalitaire. Appréhender le "Tout-Monde", c'est-à-dire mondialité métissée qui est à présent notre destinée, comme Barack Obama a d'ailleurs su l'incarner.

Ainsi Edouard Glissant peut-il, ici, être présenté comme un "homme du monde". Non pas comme un aristocrate distingué mais comme un poète qui voulu rendre compte de la diversité, de la pluralité des mondes. Nul doute qu'il ait accueilli avec ferveur la clameur des révoltes arabes, lui qui ambitionnait de faire résonner des révoltés du Bounty et du monde entier dans cette anthologie de poésie, lui qui inventa une prose de combat contre la novlangue des autocraties, contre la réduction de la vie au pouvoir d'achat.

"Un vieillard qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle", disait l'écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, que cite, ici, Edouard Glissant. Un "homme du monde" est mort. Mais il a su léguer quelques trésors d'éternité.

Nicolas Truong Article paru dans le Monde édition du 06.02.11

Derniers hommages à Edouard Glissant

08/02/2011

Les obsèques d'Edouard Glissant, écrivain et poète martiniquais, disparu à l’âge de 82 ans, se dérouleront mercredi 9 février en l’église du Diamant. C'est dans cette commune du sud de l'île située sur la côte Caraïbe qu'il résidait quand il était en Martinique.


Un dernier hommage lui a été rendu samedi à l'église de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Beaucoup d'artistes antillais se sont déplacés. Parmi eux, on pouvait apercevoir, entre autres, les musiciens Alain Jean-Marie et Roland Pierre-Charles, mais aussi les comédiens Jacques Martial et Firmine Richard.

glissant_nouveau

glissant_son_livre

Editions Galaade, 352 p., 24,90 euros

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Lotus
Newsletter
Archives
Publicité